Être ailleurs (chou – pancakes – rhubarbe)
Bonjour à vous, bonjour le blog.
Je reviens vers vous avec un sujet qui sommeillait depuis quelques semaines dans un recoin de mon esprit tordu. Mon appareil photo étant en réparation, je me lance donc dans un billet d’humeur.
On pourrait résumer ce sujet par « comment être ailleurs et aller bien malgré tout ».
J’entends par être ailleurs ne plus être « chez soi ». Quelle qu’en soit la raison, et il en existe beaucoup, quelle qu’en soit la durée. Il me semble que cela est arrivé ou arrivera à tout le monde, notre condition d’Occidentaux modernes et agités aidant.
Dans nos contrées, à moins d’être un grand globe trotter, ou d’appartenir à ceux que l’on nomme de façon politiquement correcte les « gens du voyage », nous avons un mode de vie sédentaire. Pas celui qui prédit statistiquement pas mal de maladies cardio-vasculaires, celui qui décrit cette réalité : nous nous installons quelque part pour y rester un moment si nous nous y sentons bien, après avoir inscrit les enfants à l’école, changé d’adresse auprès des impôts et accompli toutes sortes de démarches pour le moins pénibles qui nous incitent à ne pas renouveler l’opération trop souvent.
Méditons un instant sur l’invention de l’agriculture qui, il y a bien longtemps, contraignait nos ancêtres à rester plusieurs mois au même endroit afin de récolter les fruits de leurs semences. Et la maîtrise plus précoce du feu qui leur a permis de ne pas trop se geler les fesses en attendant (sans parler des veillées endiablées à se raconter les prouesses d’un grand-oncle qui taquinait les tigres à dents de sabre).
Bref, nous avions donc du feu et des vivres et nous vivions de façon sédentaire lorsqu’un petit contretemps de la vie est intervenu et nous a contraint à dormir sur le canapé de notre ailleurs (famille, amis ou autre) avec une grosse valise pour seul univers personnel.
Passées quelques heures d’étonnement, on se sent peut-être déraciné. On manque certainement d’intimité, on ne peut plus se vautrer dans des habitudes rassurantes. Je ne pense pas extrapoler en affirmant que ne plus vivre chez soi entraîne une perte de repères et de confort.
Voilà la motivation de ce billet. Parler d’une situation pas évidente. Plus réflexions ouvertes que conseils, ces quelques lignes serviront à mettre à plat ce que j’ai fait, ce que j’aurais pu faire et ce que je fais peut-être toujours pour mieux vivre cette situation. Et si d’aventure mes aventures vous étaient utiles ou plaisantes, alors je pourrai m’endormir ce soir le sourire aux lèvres et le diaphragme diaphane.
Mais avant tout, par pitié, ne classez pas ce billet dans ce qu’on nomme « développement personnel ». Ce n’est pas parce que j’ai l’air de donner des conseils vaguement structurés qu’ils sont bons à prendre ou que je les pense capables de vous « développer » afin d’atteindre enfin vos buts les plus chers et faire de vous un gagnant qui se lève tôt et fait de l’argent grâce au web.
Ce qui suit, c’est les conseils d’une loseuse de première qui ne souhaite pas « devenir quelqu’un » parce qu’elle est simplement elle-même. Malheureusement, ça ne suffit pas. On ne se réjouit pas que tu vives et que tu sois un être unique plein de complexité, on te demande d’avoir des « projets de vie », nuance. Je m’égare, désolée. Entrons sans concession dans le vif du sujet, voilà ce que j’ai à dire :
Tous les lieux seront notre lieu
Puisqu’on n’a plus de foyer, de lieu à soi, on peut essayer de répartir la dépendance à notre lieu sur d’autres lieux de bien-être, extérieurs. C’est quelque chose de plutôt simple à mettre en place. Quelques pistes pour détecter des lieux de bien-être extérieur :
- On doit s’y sentir en sécurité. Pour se détendre ou se concentrer, c’est indispensable. Oublions les endroits où l’on peut être dérangé, importuné, volé, etc. Notre ami le rat des champs nous le dit cash : « Fi du plaisir que la crainte peut corrompre ! ». Cette phrase magnifique m’a frappée dès mon plus jeune âge.
- On doit y être accueilli amicalement, ou du moins poliment ou neutralement. Surtout, ne pas avoir l’impression que l’on dérange, s’y sentir légitime.
- Le temps n’y est pas (trop) compté. Dans la limite des horaires d’ouverture, par exemple, on sait que l’on peut y rester un bon moment si besoin. C’est important d’avoir la sensation de se « poser », comme disent les jeunes.
- On y trouve un petit quelque chose en plus qui nous fait du bien. Des odeurs agréables, une lumière douce, un bon chauffage, une décoration plaisante, etc.
Ces lieux, qu’on les investisse pour un temps restreint ou pour une activité précise, permettent de se sentir calé, casé à un moment donné. Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé dans des cafés ou des bibliothèques, je me suis aérée ou j’ai fait du yoga dans des parcs… je m’y sentais bien car j’avais trouvé la micro place où je me sentais, pour un petit temps, parfaitement à ma place. Alors, laverie, café, salon de thé, square, n’hésitez pas à tester des lieux extérieurs qui pourront vous apporter du bien-être.
Grâce à ces endroits, on recrée un cortège d’habitudes agréables sans pour autant dépendre d’un lieu unique et privilégié. On crée des liens bénéfiques avec ces lieux, un peu comme on le ferait avec des personnes. Cela a certainement l’avantage d’alléger les besoins quant à son lieu de vie temporaire, là où l’on dort.
Il ne faudra pas en attendre trop, cependant. Dans ce sens, on essaiera d’accepter avec bienveillance le moment où l’on doit les quitter. Pour ma part, j’attends tout naturellement le moment où je sens que « j’en ai terminé » avec un endroit, et je pars tout simplement, comme le fruit mûr se détache de la branche. Ce sont des lieux souvent publics, parfois impersonnels, mais il faut essayer de ne pas s’arrêter à cela et de prendre ce qu’ils peuvent nous apporter.
Notre place, c’est aussi nous
Parlons maintenant de l’endroit où l’on dort. On est peut-être à l’hôtel, dans une auberge de jeunesse, accueilli chez des amis ou de la famille. Au mieux on a une chambre à soi, au pire on dort dans un canapé, ou l’on partage une chambre avec quelqu’un. Dans ces conditions restreintes d’intimité, il est parfois difficile de se retrouver.
Mais comme dirait l’autre, « pas le choix » : il faudra préserver sa personne, son individualité. Rester connecté coûte que coûte à son intériorité, à ce qui nous définit. J’essaie de ne pas employer des termes trop vagues ou trop ésotériques, tout cela n’a rien d’un discours théorique ou scientifique, c’est du ressenti, purement subjectif et je m’atèle au mieux à le transmettre. Ce que j’entends donc par « son intériorité », je pourrais l’exprimer aussi par « la conscience bienveillante de sa personne et de ses besoins ». Il y a forcément une part de nous capable de se couper des turpitudes et sollicitations externes et de s’interroger sur la pointe des pieds : « ça va bien là-dedans ? ». Se connecter à cela, c’est une sorte de méditation très simple, qui ne peut durer qu’une seconde si on le souhaite. Se connecter à cette partie de soi, un petit instant dans la journée et se parler, se dire que si tout ne va pas bien, il reste bien quelque part un bout d’espoir, un brin de courage et une louchette de patience dans notre petite machine personnelle pour attendre que ça aille mieux (car parfois, on ne peut qu’attendre) ou faire ce qu’il faut pour que ça aille mieux (car parfois il faut agir). C’est symbolique et pourtant concret, cela représente les images, les pensées ou les sensations qui aideront à se sentir bien dans ce moment de déracinement.
Quand on y pense, c’est trop dommage de laisser un lieu décider de notre bien-être.
C’est peut-être une chance ?
Je me pose encore la question, mais de façon sincère et je commence à entrevoir la réponse au travers un épais brouillard de m…
Si je comptais vendre un e-book de développement personnel à ce sujet (je déteste ce terme, je le répète, ça me donne des frissons de m’imaginer me dire « Eh Biquette, à partir d’aujourd’hui, tu te développes, OK ?! » en me souriant dans la glace avec un clin d’œil. Comme s’il fallait penser « Eh, là je bronze, OK ?! » pour bronzer quand on est en plein soleil), j’aurais intitulé ce paragraphe « Prenez-le comme une chance ! », avec petit smiley indécent qui cligne de l’œil ;-)
Enfin tout ça pour dire que cette période apatride va beaucoup, beaucoup vous développer ;) Je plaisante, mais vous vous doutez qu’il y a du bon à prendre, comme dans toute situation nouvelle ou qui met en danger. Quelqu’un de très organisé apprendra qu’il peut facilement vivre avec des contraintes horaires ou spatiales moins strictes. Quelqu’un de sur-attaché à son lieu de vie (ça, c’est moi) se rendra compte qu’il ne mourra pas de vivre la vie de bohème pour quelque temps. Ce bouleversement dans nos habitudes permet d’explorer ou de ressentir de l’inédit. Enrichir le spectre des expériences, voir que les ressources existent. C’est beau, non ?
Et après ?
Les choses finissent bien par rentrer dans l’ordre pour celui ou celle qui cherche une place pour exister. Je vous le souhaite aussi fort que j’en rêve pour moi-même. Et alors, quel bonheur de savourer solitude… calme… indépendance. De retrouver l’usage d’une cuisine à soi, avec ses produits bio dans les placards et ses végétaux dans le frigo… Je m’égare à nouveau.
En attendant, j’allais oublier deux choses essentielles : les relations et le plaisir. Je vais faire très rapide.
En ce qui concerne les relations, il s’agit simplement de ne pas s’isoler alors que l’on traverse un moment éprouvant. Maintenir autant que faire se peut ses relations, qu’elle qu’en soit la nature. Et, si possible, s’en faire de nouvelles car c’est souvent lorsqu’on est dans la mouise qu’un bon plan surgit d’une rencontre inattendue. Communiquer et rester ouvert à l’autre, so important ! :)
Enfin, se faire plaisir, se soigner, se bichonner, seront de jolies tactiques pour motiver les troupes : esprit, corps, émotions… Vous me voyez arriver avec mes gros sabots. Oui, je vais vous parler cuisine, je vais vous parler recettes.
J’ai sélectionné pour vous 3 recettes que j’aime et qui correspondent à mon idée d’une cuisine qui réconforte (la fameuse « comfort food »). Des goûts chaleureux, des textures tendres, et voilà.
- Pour le matin ou pour le brunch, des pancakes parfumés au sésame noir.
- Pour un goûter, un dessert ou également au petit dèj, une compote peu sucrée à la rhubarbe, parfumée à la rose et à la cardamome
- Pour le déjeuner ou le dîner, une belle portion de potée de chou vert réconfortante, à accompagner d’un morceau de pain complet grillé ou d’une petite timbale de riz complet. C’est parti.
Pancakes au sésame noir
La recette a été publiée ici, sur le site de l’AMSB.
Compote rhubarbe – rose – cardamome
Ingrédients | Recette |
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Potée de chou vert épicée
Ingrédients pour 2 personnes | Recette |
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Ici se termine ce long billet, merci à celles et ceux qui ont eu l’envie et la patience de me lire.
Si vous avez des remarques quant au thème de ce billet, si vous souhaitez ajouter des éléments de réflexion, des conseils… A vos commentaires – prêts – postez !
Bravo Ôna pour ce magnifique article. Je suis toujours soufflée de constater la qualité de ton écriture…
J’ai heureusement (ou pas!) la chance (ou pas!) d’avoir « mon » lieu et de m’y sentir bien. Je fais aussi partie de la catégorie « gravement attaché à son lieu de vie », à tel point que je constate que cela peut parfois se retourner contre soi (qui a dit que je devenais méga stressée à l’idée de ne plus être dans « mes repères » ne serait ce que pendant les vacances??) Tout ça pour dire que j’admire ta capacité à faire avec et, je dirais même plus, à tirer le meilleur parti d’une telle situation. Et je suis absolument certaine que tu trouveras ta petite place à toi, comme une jolie plante qui a enfin trouvé sa terre.
Merci Taïa :))) Je vois que tu as également besoin de tes repères, cela me rassure ! Et quand on mange « pas comme tout le monde » c’est d’autant plus embêtant de ne pas avoir ses ingrédients et ses ustensiles sous la main… J’aurais pu parler aussi de l’importance d’avoir un bon magasin bio pas loin de chez soi ;) !
C’est marrant, je dois faire partie des « pas très attaché à son lieu de vie », mais j’ai un homme qui comme toi est « très attaché à son lieu de vie », alors j’ai appris à comprendre.
Chez moi, c’est là où je suis à l’instant où j’y suis. En fait, je n’aime pas spécialement être chez un autre, parce que je suis très indépendante et si la cohabitation ne se fait pas naturellement, je suis gênée et je ne vis pas. Mais partager des endroits ou changer d’endroit régulièrement me fait du bien.
Ca ne me dérangerait pas qu’il y ait un nid « à moi » toujours prêt à m’accueillir, ce serait pratique surtout. Mais pour moi, ça représente surtout un poids, un boulet qui me tient attaché à un endroit alors que j’aime plutôt savoir que des millions de lieux sont à découvrir et qu’ils peuvnet devenir chez moi pour un temps avant de devenir chez d’autres.
Enfin en lisant cet article, je me suis sentie chez toi et ça m’a plu, on est bien accueilli avec ces belles recettes en plus, merci !
Juste un petit coucou pour te remercier de tes recettes et jolies photos. Les boulettes à la lavande étaient au menu d’hier… Merci encore ! :-)
Oh comme ça fait plaisir ! :’)
Merci pour ce délicat article de nomade en recherche de sérénité. Je suis sûre que tu te poseras enfin dans ce chez-toi où étendre à nouveau tes ailes et tes désirs.
Merci Sandrine : »)