Lettre à mon amie

- Extrait -

(…) Voilà, sinon petit moral, ici. Pas à cause du livre, il est écrit, c’est déjà formidable, inespéré ! Non, c’est plutôt le reste, l’été qui est un peu parti, l’automne presque arrivé, comme mes 30 ans. C’est bête de prendre ce chiffre rond comme date buttoir de je-ne-sais-quoi, mais autour de moi, ça bouge ! Les ventres font « ploup ! », les foyers se remplissent, on se marie, on divorce, on déménage, on course à pieds, on avance, on recule… Pourquoi ai-je l’impression de stagner ? Ai-je l’énergie nécessaire pour atteindre les choses qui m’épanouissent ? A vrai dire, je les caresse parfois mais tout va trop vite, comme dirait la petite tortue dépressive. Comme la micro-escargote pour qui tout roule super-smooth quand… le ciel pluvieux le veut. Et qui cale trop souvent le reste du (beau) temps. Connais-tu la peur du ciel bleu d’hiver ? C’est mon symptôme, ma petite musique triste. Un ciel trop grand et trop vide, sans la chaleur de l’été pour le remplir d’histoires, de rires et d’odeurs.

Trop de choses et ne rien saisir, c’est l’image que j’ai en ce moment. La liberté est assez insaisissable et comme tout ce qui file entre les doigts, elle fait peur. On veut des attaches, on se plaint des liens qui nous contraignent mais on les aime encore un peu trop. Je les rêve dorés la nuit quand ils sont rouillés et meurtrissants le jour. Comment me persuader que j’ai le droit d’être ailleurs, d’être autrement, mais d’être bien ?

Ma pauvre, je vide mon sac ! Sans grand danger de surcroît car je sais que je serai bien accueillie… quelle chance d’avoir une amie ! Plusieurs, même…

A l’une je dis « à bientôt », à l’autre je dis « à très vite », à celle-ci « viens manger à la maison la semaine prochaine », à celle-là « j’ai bon espoir que l’on se croise le mois prochain », parfois c’est « j’aimerais vraiment passer dans ta région te faire un coucou ». Mais une fois, je n’ai pas eu le temps de dire simplement « au revoir ».

Je suis une amie de bonne volonté mais pas très fiable pour le concret, je gère mes relations aussi mal que le reste, il faut l’avouer. Gérer, c’est pas mon mot, c’est pas mon truc. Oublions. Je vis dans l’urgence de l’instant, souvent, tout le temps. Parfois c’est mon fort, parfois ça coince. On m’en veut pour cela, mais je m’en veux encore plus, tu sais. Cela me fatigue…

Ma chère amie, je veux te serrer contre moi, longtemps encore s’il te plaît. Femme de partage, femme qui porte tant. Tu es magnifique, je l’ai vu la dernière fois que je t’ai vue. Je te regarde, tu sais ! Tu pourrais être une rivale si l’on ne se ressemblait pas autant. On a déjà essayé de se disputer, sans succès. (…)

- Quelques pages plus tard -

(…) Au fait, rien à voir, mais j’ai un service à te demander. J’ai une grosse araignée dans mon vestibule, qui a de grosses mandibules – je les ai vues ! -, et je ne fais pas exprès de faire rimer mais il faut l’attraper et très loin la relâcher car je ne veux pas la tuer. Les hommes en ont trop peur, les chats ne l’entendent pas, seules les femmes peuvent l’affronter.

Alors, je te dis à très vite, je t’inviterai à manger à la maison quand je passerai dans ta région, dans un mois, et si on a le temps, on pourra peut-être rapidement réfléchir toute la nuit en pyjama à un stratagème pour dompter l’araignée, et la vie aussi, si le jour ne se lève pas trop tôt sur un ciel d’hiver trop grand. Peut-être qu’elle pourrait nous fabriquer des mitaines turquoises avec ses crochets venimeux ? Pas la vie, l’araignée. Elle est peut-être gentille, d’ailleurs, on ne sait jamais. Pas l’araignée, voyons !

En tout cas je t’aime, t’as compris ?

Et je t’embrasse bien fort.

Ôna.

P.-S. Il paraît que j’ai un blog de cuisine, ça te dit quelque chose ? :)

“Lettre à mon amie” : 8 commentaires - comments

  1. :,)
    Insomnie de mon coté aussi !…..
    <3 <3 (allez, faisons juste semblant d'avoir 16 ans … ;)

  2. Oh la petite ragondine insulaire qui rôde dans les canaux de Venise à pas d’heure ! ;) <3

  3. Je veux bien adopter l’araignée, il reste quelques coins de ma maison qui n’en sont pas déjà pourvus……et le z’hom ne les craint pas ….si tu passes dans ma région, apporte la, je te présenterai les chats…

    > 6 cm de diamètre, un monstre ! Enfin j’imagine que cela ne te fait même pas peur, courageuse rurale que tu es ! ;)

  4. Ona : 30 ans ce n’est rien , tu as la vie devant toi…
    Katherine sait de quoi elle parle !! suis très fière de toi…

    > Merci Tata :’)

  5. Courage ma loutre des neiges , je suis sûre que les choses vont s’arranger! Et t’en fais pas pour l’âge tout rond, l’essentiel est de rester curieuse et d’avoir des projets et des rêves!

    Pour ce qui est de l’araignée, malheureusement, tu ne peux pas trop compter sur moi pour la déloger, ça me fout les miquettes!!

    Moi aussi je t’aime.

    Tu prends de l’âge, mais notre amitié aussi!

    Bisous

  6. Ah, tu sais parler aux « vieilles » toi ;)
    Grosses bises

  7. Magnifique texte que je découvre à l’instant.

    Je réalise qu’en plus de tes talents culinaires, tu écris divinement.

    Insaisissable et touchante, c’est ce que je perçois du bout du regard les quelques fois que je te vois. Ce côté funambule me séduit et me donne envie, s’il reste une petite place, d’en connaitre toujours un peu plus sur BiOna et ses multiples araignées!

  8. Si tu parles de l’ « araignée au plafond » tu as bien raison ;)) !!!
    Ravie qu’une nouvelle amie ait pu prendre connaissance de ce texte…

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